Pascal LOROT
Président
Face à la fragmentation du monde, à la fin des illusions de mondialisation heureuse, la souveraineté s’impose à nouveau comme une notion centrale des politiques publiques. Loin d’un repli nationaliste, elle peut redevenir un levier de puissance, de résilience et d’influence, à condition d’être repensée dans une logique coopérative et stratégique.
La crise du Covid-19, la guerre en Ukraine, la dépendance technologique ou énergétique ont brutalement rappelé aux Européens leur vulnérabilité structurelle. Ces événements ont mis en lumière les angles morts d’un modèle fondé sur l’ouverture sans précaution, la sous-estimation des risques, et la délégation de fonctions critiques à des puissances extérieures.
La souveraineté, longtemps considérée comme un concept obsolète ou passéiste, retrouve toute son actualité. Elle ne doit plus être réduite à la seule capacité de contrôle territorial, mais pensée comme une capacité à décider, produire, protéger et transmettre dans un monde d’interdépendances. C’est un outil d’émancipation collective, pas de fermeture.
Or l’Europe a souvent confondu régulation avec désarmement stratégique. En acceptant une dépendance croissante à des plateformes étrangères, en externalisant sa production industrielle ou en sous-investissant dans ses technologies critiques, elle a fragilisé sa base de souveraineté.
Repenser la souveraineté suppose un changement d’échelle et de méthode. Aucune puissance européenne ne peut, seule, maîtriser tous les leviers de puissance. C’est pourquoi la souveraineté ne peut plus être strictement nationale : elle doit s’inventer à l’échelle européenne, dans une logique de coalition, d’investissement et de confiance.
Trois chantiers prioritaires se dessinent :
Ce projet ne peut réussir sans une vision stratégique de long terme, sans réinvestir les outils d’anticipation, sans réconcilier les citoyens avec la puissance publique. Il suppose aussi de s’appuyer sur les talents, les territoires et les entreprises comme acteurs clés de cette reconquête.
Il ne s’agit pas de choisir entre ouverture et repli, mais entre dépendance subie et autonomie assumée. La souveraineté européenne n’est pas une nostalgie, c’est une ambition contemporaine : construire une puissance publique capable de protéger, de décider et de durer.
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