
Philippe NATY-DAUFIN
Responsable Pôle produits de santé, pharmacie et biologie, ARS Nouvelle-Aquitaine
Entre pénuries persistantes, course mondiale à l’innovation thérapeutique et regain de conscience post-Covid, le médicament s’impose comme un enjeu stratégique central. Face à une double concurrence américaine et asiatique, la France et l’Europe doivent accélérer la réindustrialisation pharmaceutique, simplifier leur environnement réglementaire et valoriser pleinement leurs atouts en matière de R&D. L’avenir de notre souveraineté sanitaire s’écrira à la croisée de l’innovation, de l’investissement et de la résilience industrielle.
Avec 130 000 emplois, 63 milliards d’euros de chiffre d’affaires, et une place de leader en R&D européenne, l’industrie pharmaceutique française est un pilier de notre tissu productif. Mais elle fait face à une érosion industrielle inquiétante : en 20 ans, la France est passée du premier au cinquième rang des producteurs européens. En cause : retard technologique, fiscalité spécifique, compétitivité affaiblie, et une valorisation insuffisante du “Made in France”.
Les pénuries de médicaments, désormais structurelles, témoignent de la fragilité de notre chaîne de valeur. Les principes actifs sont massivement produits en Asie, tandis que les sites européens se concentrent sur la formulation finale. Cette dépendance expose à des ruptures, malgré des obligations réglementaires croissantes (plans de gestion des pénuries, stocks de sécurité…).
Le secteur souffre également de délais réglementaires trop longs et d’une régulation des prix jugée dissuasive. Si le CEPS a maîtrisé les dépenses, il peine à garantir l’approvisionnement ou à soutenir l’innovation. À l’inverse, des pays comme l’Allemagne ou le Royaume-Uni affichent une meilleure réactivité administrative, favorisant les investissements industriels.
Pour retrouver sa place dans la chaîne de valeur mondiale, la France doit activer plusieurs leviers coordonnés :
Le plan d’action inclut également la création d’un Plan épargne innovation, un fonds souverain pour les biothérapies, et l’alignement fiscal avec le droit commun pour encourager l’investissement.
La santé est un bien stratégique, au cœur des attentes citoyennes et des enjeux de souveraineté. Pour la France, il ne s’agit plus seulement d’éviter les pénuries, mais de redevenir une nation qui découvre, produit et exporte des traitements de rupture.
Cela suppose un changement de paradigme : mieux valoriser l’innovation, simplifier les règles, attirer les talents, investir dans l’outil industriel, et construire des coalitions industrielles fortes. Le médicament n’est pas une dépense : c’est un investissement dans la souveraineté et dans la puissance économique de demain.
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