Frédéric FAUCHÈRE
Directeur Division BtoB Mobile, Samsung Electronics
Les entreprises européennes ne sont plus de simples acteurs économiques : elles sont devenues des cibles stratégiques. Cyberattaques, espionnage industriel, pressions réglementaires, désinformation, sabotages logistiques ou prises de contrôle hostiles composent désormais un continuum de menaces dites « hybrides », où les frontières entre guerre, économie et influence s’effacent.
Dans un nouveau Briefing, l’Institut Choiseul analyse cette mutation profonde du risque et propose une grille de lecture claire : face à des menaces systémiques, la résilience ne peut plus être uniquement technique. Elle devient un enjeu de gouvernance, de souveraineté et de stratégie d’entreprise.
Cette publication est issue de la 22ème Rencontre Choiseul Souveraineté s’est tenue le 22 octobre 2025 autour d’acteurs de premier plan qui ont partagé leur témoignage, visions stratégiques et bonnes pratiques : Fadila Leturcq, Directrice du Campus du Numérique Public, Marjorie Bordes, CISO chez Capgemini, Frédéric Fauchère, Directeur de la Division Mobile de Samsung Electronics France, Patrick Guyonneau, Directeur de la Sécurité chez Orange, et Florent Kirschner, directeur du pôle souveraineté numérique au Secrétariat Général pour l’Investissement.
Les faits récents sont éloquents. Incendies criminels de réseaux logistiques, cyberattaques massives contre des marques mondiales, infiltration de composants compromis dans des infrastructures énergétiques : les entreprises sont désormais intégrées aux rapports de force géopolitiques.
Le Briefing montre que les menaces hybrides ne cherchent pas nécessairement la destruction immédiate, mais l’érosion progressive :
Cette pression constante crée un « bruit stratégique » qui affaiblit les organisations de l’intérieur. La résilience ne consiste donc plus seulement à réparer après l’attaque, mais à anticiper, absorber et continuer à opérer dans un environnement instable.
Le constat est sans appel : la dépendance technologique et industrielle constitue aujourd’hui l’un des principaux vecteurs de vulnérabilité. Cloud, cybersécurité, semi-conducteurs, matières premières critiques… une large part des infrastructures numériques et industrielles européennes repose sur des chaînes de valeur extracommunautaires.
L’enjeu n’est pas l’autarcie — illusoire — mais la réduction des leviers de pression externes. Le Briefing insiste sur une souveraineté pragmatique, fondée sur :
Dans cette perspective, des réglementations comme le Cyber Resilience Act ne doivent pas être vues comme des contraintes, mais comme des instruments de montée en gamme, renforçant à la fois la robustesse et la compétitivité des entreprises européennes.
Autre enseignement central : la résilience ne se décrète pas depuis les équipes IT. Les menaces hybrides touchent la réputation, la chaîne logistique, les ressources humaines, la conformité juridique et la stratégie financière.
Le Briefing appelle à une implication directe des conseils d’administration. Identifier les actifs critiques, hiérarchiser les menaces, organiser la veille stratégique, préparer les scénarios de crise : la sécurité devient un sujet de pilotage au même titre que la performance économique ou la transition environnementale.
Le facteur humain apparaît comme un point de vulnérabilité majeur — mais aussi comme un levier clé. Espionnage, débauchage ciblé, ingénierie sociale, désinformation interne : la culture de vigilance, la formation et la responsabilisation des collaborateurs sont désormais des composantes essentielles de la souveraineté d’entreprise.
Les chaînes d’approvisionnement constituent l’un des angles d’attaque privilégiés. Fournisseurs invisibles, PME sous-dotées en cybersécurité, composants matériels compromis : une faille marginale peut produire un effet domino à grande échelle.
Le Briefing souligne que la souveraineté ne se joue pas uniquement au niveau des grands groupes. Elle implique l’ensemble de l’écosystème économique. D’où l’importance des partenariats public-privé, du partage d’information sécurisé et de mécanismes de soutien ciblés, notamment pour les PME stratégiques.
Les propositions formulées au sein du Briefing — mobilisation des outils européens existants, création d’un fonds de résilience stratégique, renforcement de la défense économique et de la diplomatie européenne — convergent vers une idée forte : la résilience est un bien commun.
Les entreprises ne peuvent plus être pensées comme des acteurs périphériques de la sécurité. Elles en sont désormais l’un des piliers centraux. Inversement, la souveraineté européenne ne se construira pas sans l’implication active du tissu économique.
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